Chili /// Accros à l’hiver

Pour skier dans l’hémisphère Sud, pas le choix : il faut troquer la chaleur de l’été québécois contre l’or blanc des Andes, durant l’hiver austral. Mais on ne perd rien au change!

Bien des Québécois migrent vers le sud durant l’hiver pour sentir cette bouffée de chaleur humide dès l’ouverture des portes de l’avion, sur le tarmac cubain, dominicain ou mexicain. À l’inverse, quelques skieurs illuminés cherchent l’hiver même en été et partent aux antipodes pour goûter la neige des Andes chiliennes.

Pourquoi? C’est la question qu’on se pose pendant qu’on enroule le foulard autour du cou, à la fin d’août, à l’aéroport de Santiago. Brrr. Trois heures de route plus tard, une fois arrivé à Portillo, LA station de ski la plus réputée du sous-continent, des éléments de réponse commencent à poindre. Cerné par les plus hauts sommets andins, je suis hypnotisé instantanément par le panorama, à moins que ce soit les 2865 m d’altitude qui embrouillent les perceptions… Le mythique pic de l’Aconcagua, plus haut sommet d’Amérique du Sud avec 6962 m, n’est qu’à quelques kilomètres de Portillo à vol d’oiseau.

Comme tombé du ciel au milieu de nulle part, le vieil hôtel de Portillo fascine avec sa couleur jaune pétant qui n’est pas sans rappeler celle des maisons des Îles-de-la-Madeleine. Remplacez le golfe du Saint-Laurent par une mer de montagnes et vous avez ce même contraste entre l’immensité des éléments et les petites constructions humaines accrochées au paysage.

Réveil canon
Après deux ou trois courtes descentes l’après-midi de notre arrivée et une nuit entrecoupée de réveils fréquents à cause de l’adaptation à l’altitude, nous nous réveillons au son des canons déclencheurs d’avalanches. Bonne nouvelle: environ 25 cm de neige sont tombés pendant la nuit. Avec des précipitations annuelles de 8 à 9 m, cette tempête n’a rien d’exceptionnel.

Pour nous, cependant, le timing est parfait. En compagnie de Richard Savage, un Ontarien qui représente Portillo en Amérique du Nord et qui a déjà skié ici, nous découvrons quelques cuvettes immaculées. Pour y arriver, il faut progresser précautionneusement le long de traverses. Puis c’est la descente de rêve, la première d’une longue série étalée sur deux jours, dans une poudreuse sèche et sous un ciel bleu. À ce moment, on oublie complètement qu’on est le 29 août et que l’hiver peut parfois sembler une saison interminable. On est arrivés au paradis, on crie de joie et on réalise qu’on profite des plus belles conditions de ski jamais expérimentées. La qualité de la neige, la culture latine, l’hôtel au milieu des Andes: tout cela contribue à en faire une destination de ski exceptionnelle.

Terre promise
L’exploration se poursuit. Nous commençons toujours l’ascension au pied de l’hôtel, dans un des deux télésièges situés de part et d’autre de la Laguna del Inca, petit plan d’eau au bout duquel se dressent les Tres Hermanos (les trois frères), trois pics acérés d’environ 4500 m.


Il faut ensuite monter encore plus haut à l’aide du «va-et-vient», un système très particulier qui n’existe qu’à Portillo. Sorte d’extraterrestre des remonte-pentes, le «va-et-vient» (aussi appelé slingshot en raison de sa vitesse fulgurante) se compare à un genre de tire-fesses (ou poma) à cinq places. Un opérateur attend que tous soient prêts avant d’envoyer le jus: en un rien de temps, nous grimpons quelques centaines de mètres en ayant l’impression de faire du ski nautique. Le tire-fesses multiple s’arrête sur une inclinaison d’une trentaine de degrés et les skieurs s’extirpent un à un, lentement, avec précaution: efficace, mais très surprenant la première fois!

Qu’on ait opté pour le va-et-vient Roca Jack, Condor, Las Vizcachas ou CaraCara, chacun d’eux donne accès à de magnifiques étendues toutes de blanc vêtues sur lesquelles nos planches viennent lisser des courbes suaves. Mais c’est la piste Lake Run qui me charme le plus, avec ses multiples vallons et autant de champs de poudreuse. On doit passer par une étroite et longue traverse de sortie le long du lac de l’Inca pour re­tourner au télésiège. Cela permet de «filtrer» les skieurs et encore da­vantage les planchis­tes. Résul­tat: les conditions de neige restent magiques plus longtemps. «Comme il n’y a que 450 personnes – les clients de l’hôtel – qui skient à Portillo, on peut trouver de la belle neige poudreuse encore 3 jours après une tempête», souligne Richard Savage, qui en est à son quatrième séjour ici.» Encore une particularité qui participe au charme puissant de l’endroit. •

Entraînement des équipes nationales
Chaque année, les grandes équipes nationales de ski alpin viennent à Portillo pour un camp d’entraînement. Dans les corridors de l’hôtel, des photos signées des champions, passés et actuels, ornent les murs. Éric Guay a dévalé les pistes alentour à maintes reprises, comme l’équipe autrichienne d’ailleurs, à l’entraînement dès l’aube lors de notre passage. Portillo est la seule station en Amérique du Sud à avoir accueilli (en 1966) les Championnats du monde de ski alpin. Jean-Claude Killy y avait remporté les honneurs en descente et au combiné.

Quelques chiffres
Dénivelé: 762 m
Plus longue piste: 2 km
Remontées mécaniques: 14 dont 5 télésièges
Altitude de l’hôtel: 2865 m
Altitude maximale de la station: 3322 m
Enneigement annuel moyen: 8,29 m
Distance de Santiago: 160 km
Journées ensoleillées: 80 %

Repères
ACCÈS

Jusque dans les années 1970, la seule façon d’accéder à Portillo était en train. À cette époque, une route avait été péniblement taillée dans le roc et, 29 courbes de 180 degrés plus tard, Portillo devenait accessible aux véhicules… en même temps qu’au trafic routier entre le Chili et l’Argentine. Aujourd’hui, le train ne fonctionne plus et la route est souvent fermée au transit international pendant plusieurs jours après une tempête.

ACCLIMATATION À L’ALTITUDE
De l’aéroport de Santiago à l’hôtel Portillo, on gagne près de 2500 m d’altitude pour une distance de 160 km et 3 heures de route. «La première journée, je n’ai pas pu faire de ski, j’avais le mal de l’altitude et un peu la nausée, raconte Karine Godbout, une infirmière de 30 ans, en voyage de noces à Portillo. Pourtant, je suis déjà allée beaucoup plus haut, à 4400 m d’altitude. C’est la vitesse à laquelle on monte qui cause
problème.» Généralement, tout rentre dans l’ordre en une journée.

AUTRES CENTRES DE SKI
Encore plus près de Santiago, trois stations de ski sont accessibles en à peine 90 minutes de voiture: La Parva, El Colorado et Valle Nevado. Situées au-dessus de la cime des arbres, ces stations sont vastes et parsemées d’une multitude de remontées mécaniques dont plusieurs téléskis doubles (t-bars). Entre les pistes damées, un infini territoire de poudreuse est à notre portée, dont la mythique Santa Teresita, un flanc de montagne démesuré qui demande cependant un retour en voiture tant on s’éloigne des remonte-pentes!

INFOS UTILES
Quand y aller? Les centres de ski ouvrent de juin à octobre, mais juillet et août sont les meilleurs mois pour en profiter au maximum.
Avec quel transporteur? Air Canada propose des vols de nuit directs (l’idéal) de Toronto à Santiago pour environ 1200 $ aller-retour.
Où loger? À Portillo: 1 800 514-2579 ou www.skiportillo.cl

L’auteur a participé à un voyage de Voyages Gendron pour réaliser son reportage.

Voici un vidéo en complément du reportage, signé Alexis de Gheldere: des images rafraîchissantes à se passer  pendant les épisodes de canicule!