Présenté par Tourisme Gaspésie
Destinations

Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Identités mayas

Exit le Yucatán des touristes balnéaires! Le cœur du pays maya palpite au gré d’une traversée à vélo depuis Tulum jusqu’à Mérida.

Tulum, péninsule du Yucatán, Mexique. Les pieds dans la mer turquoise des Caraïbes, la petite localité vit surtout de ses charmes balnéaires. Playa del Carmen a tout ce dont peut rêver un touriste exigeant: eau chaude, sable blanc et règlement municipal limitant la hauteur des hôtels du bord de mer. Le mot «maya» a ici force d’outil marketing à l’usage des développeurs: le centro comercial maya ressemble à s’y méprendre à l’affairé boulevard Taschereau sur la rive sud de Montréal. Dans les petits restaurants du centre-ville, on sert la sopa aztequa arrosée de bière Sol. Ici, tout ce qu’on sait de la civilisation maya, apparue 3000 ans avant notre ère et qui s’est maintenue jusqu’à la conquête espagnole au XVIe siècle, tient dans le périmètre de la zona archeologica de Tulum: ses jardins de plantes médicinales (très efficaces contre toute forme de parasites intestinaux et d’infections) et grandioses édifications avec vue sur la mer, à l’affût du passage des navires étrangers. Tulum, cette cité maya érigée vers le VIe siècle mais développée surtout au XIIIe siècle, est devenue un musée à ciel ouvert; moyennant 51 pesos, le visiteur peut apercevoir des iguanes géants se dorer la couenne sur l’ancienne demeure royale ou sur le temple réservé aux cérémonies sacrificielles. Hors de cette zone, point de maya qui tienne. Pourtant, ils sont près de un million au Yucatán seulement, et un million d’autres répartis entre le Salvador, le Honduras, le Guatemala, le Belize et d’autres régions du Mexique. Alors, où se cachent-ils donc?

Si aguicheuses soient-elles, les plages torrides me laissent froide. Je veux en apprendre plus sur cette civilisation fascinante, et ce n’est pas en me la coulant douce sur la Riviera Maya que j’y parviendrai. Direction Mérida, centre de la culture maya et capitale du Yucatán, côté golfe du Mexique. Mais en douceur, en prenant le temps, à vélo: un mode de déplacement tout indiqué pour s’immerger au cœur du mystère. Et il ne faut guère pédaler longtemps pour tomber sur l’un d’eux: les fameuses cenotes, ces  piscines naturelles souterraines creusées dans le calcaire (on en compte 10 000 au Yucatán!), qui sont devenues une attraction locale et que fréquentent autant les touristes que les locaux. Je barbote allègrement dans leurs eaux limpides et rafraîchissantes avant d’entamer ma traversée. À la fois réserves d’eau douce et lieux de culte, ces cavernes inondées représentaient pour les Mayas un pont vers l’autre monde.  Qui sait où ce pont me mènera?

On s’enfonce dans les terres
Sitôt qu’on quitte Tulum et ses voies d’accès bondées d’autobus, à une petite heure de la côte est, le trafic routier se disloque jusqu’à se résumer à quelques autos, camions agricoles et bicyclettes dans les périmètres habités. À chaque entrée et sortie de village, des dos d’âne sur la chaussée forcent à limiter sa vitesse – même sur deux roues! Une petite cinquantaine de kilomètres permet de joindre Cobá, une des principales cités mayas, érigée à la période classique (entre 500 et 900 ans ap. J.-C.) et dont l’apogée se situe à la période postclassique, soit à l’arrivée des Espagnols. Difficile, pour tout cyclotouriste qui se respecte, de ne pas céder à la tradition locale du vélo-taxi, avec sa banquette fixée à l’avant d’une bicyclette tronquée et qui peut accueillir deux passagers. En effet, pour se rendre au cœur de la cité, il faut prendre un réseau de sentiers qui s’enfonce en pleine forêt tropicale. Si le temps vient à manquer, on n’a guère le choix d’emprunter ce mode de déplacement, et c’est aussi une façon de soutenir le tourisme local. Cobá est surtout connue pour la pyramide de Nohoch Mul, la plus haute du monde maya (42 m), et pour son étonnant réseau de sentiers pédestres d’une centaine de kilomètres qui plaçait autrefois la cité sur la route commerciale entre la côte caraïbe et le golfe du Mexique. Ces sentiers de roches égalisés et recouverts de sable constituent d’ailleurs un chef-d’œuvre d’ingéniosité, en facilitant le déplacement des porteurs de charge.

On connaît mal les raisons de l’abandon de cette ville, sinon qu’elle périclitait à mesure que grandissait Chichén Itzá, à moins de 150 km de là. Certaines théories avancent que la terre y serait devenue peu à peu infertile… toujours est-il que ses habitants se sont éparpillés en petits groupes alentour. Dans cette cité-musée, les traces des Mayas abondent; dans les pétroglyphes (les gravures sur bois ou sur peau ont disparu), sur chacune des marches des pyramides dressées vers le ciel, sur les parois du temple consacré au Serpent à plumes… Devant l’édification vouée au jeu de balle – tout à la fois sport et cérémonie sacrée –, il me semble apercevoir dans l’assistance une poignée de représentants de la noblesse, aux dents serties de pierres précieuses, au crâne allongé à force de compression depuis le plus jeune âge, aux parures rutilantes… Mais les Mayas que je vois sont des êtres immatériels, creusés dans la pierre ou flottants dans les limbes de mon imagination.

Scorpions, cactus, iguanes
Cette nuit, le chef Quetzalcóatl est venu hanter mes rêves. Le grand maître de cérémonie s’apprêtait à ordonner un sacrifice tout en invoquant Itzamna, le dieu du Ciel, de la Nuit et du Jour. Je discernais à peine la scène, mais je sentais planer l’ombre d’un danger alors que la foule scandait des propos inintelligibles. Tout s’est soudain volatilisé au son du réveil.

Point de sacrifice à l’horizon de cette nouvelle journée; du vélo, seulement du vélo.

À la sortie de Cobá, la route montre toujours aussi peu de dénivelé, mais serpente à présent au cœur d’une végétation plus épaisse. Là, on pédale tranquillement entre les saguaros, ces immenses cactus parfois centenaires, et les huttes traditionnelles en palmes et en bambou. On pénètre au cœur du pays maya d’aujourd’hui. Un pays de scorpions, de cactus, d’iguanes traversant la route, de serpents jaune fluo écrasés sur le bas-côté. Les enfants curieux nous saluent au passage, tout sourire. La route devient peu à peu habitée. Ici vivent les descendants des Mayas, qui parlent toujours le maya yucatèque, qu’ils écrivent désormais en caractères latins. Juste avant la ville historique de Valladolid, Xocen est un village de maisons en grosses pierres brunes, avec une église décorée de fleurs ornementales, des chiens vautrés à l’ombre et une petite épicerie où on est sûr de trouver de l’eau embouteillée et quelques fruits locaux. Ainsi qu’une halte bienfaisante dans la chaleur du midi.

À notre arrivée à Valladolid, c’est jour de fête, on a dressé des gradins sur la plaza Zocalo, en face de l’église et de la mairie. Notre passage à vélo est salué par quelques applaudissements enthousiastes noyés dans un flot de trompettes mariachis; l’humeur est à la fête! Cette deuxième plus vieille ville du Yucatán, construite dès 1543 avec des pierres prélevées à d’anciens sites mayas, doit son développement à la fabrication et à l’exportation de produits du cactus. Autour de la cité, on voit encore des haciendas de milliers d’hectares toujours aux mains des Mexicains d’origine espagnole. Dans la mairie, de vastes murales allégoriques retracent l’histoire locale depuis l’âge d’or de la civilisation maya jusqu’à l’arrivée de l’envahisseur: chaman voyant dans sa boule de cristal un galion espagnol, annonçant ainsi, 100 ans avant l’arrivée des conquistadors (le premier contact entre Mayas et Espagnols date de 1511), Procurador de Indios, envoyant les Mayas en esclaves jusqu’au vieux continent, prêtre stoppant d’un bras ferme les sacrifices humains. Puis, d’autres murales retracent la terrible Guerra de Castas (1847), ce soulèvement maya (particulièrement farouche au Yucatán) mené contre l’envahisseur espagnol et qui s’est soldé par la mort de près de la moitié du peuple autochtone. L’église de Valladolid a d’ailleurs servi de funèbre décor à ce drame. Enfin, les murales retracent la révolution du 4 Junio de 1910, partie de Valladolid et menée par Francisco I. Madero, qui a accédé à la présidence du Mexique juste avant d’être assassiné. À l’instar de toute l’Amérique latine, Valladolid célèbre la Virgen de Guadalupe, la Vierge Marie des Latinos. Mais pour les Mayas du Yucatán, celle-ci incarne secrètement Tonantzin, la déesse de la Fécondité et la Terre mère des Autochto­nes. Dans ce coin de pays, certaines croyances ancestrales ont su résister au rouleau compresseur de l’évangélisation espagnole.

L’âme du Yucatán
Avant de parvenir au fameux site de Chichén Itzá (beaucoup de touristes ne voient de la culture maya que ce site élu «une des sept merveilles du monde» et patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1988), on s’enfonce un peu plus dans le monde maya d’aujourd’hui. Petites localités paisibles gravitant autour du cœur central – l’église –, hommes au travail agricole, femmes confectionnant des tortillas, enfants curieux nous regardant passer à travers les fenêtres borgnes de l’école du village. Cette vie quotidienne regorge de couleurs vives: l’église explose en rouge grenat sous le soleil, les femmes exhibent des châles bleus d’outremer, le jaune maïs jaillit des façades des maisons. Une palette tout en audace, comme à Izamal, la ciudad amarilla (la ville jaune) accessible par une petite route gentiment vallonnée. Tout le centre historique du village y décline la même teinte ocre qui recouvre le Convento de San Antonio, couvent dédié à saint Antoine de Padoue, érigé avec des pierres d’anciennes édifications mayas.

Ici aussi, cultures et confessions s’entremêlent. Les marques de la religion chrétienne espagnole côtoient celles du paganisme maya, comme la pyramide de Kinich Kakmo, restaurée sur deux côtés et au sommet de laquelle on embrasse la région d’un seul coup d’œil. À perte de vue s’étendent les champs d’henequen, cet agave dont la fibre sert à fabriquer hamacs, toiles et cordes résistantes. Toute la région lui doit d’ailleurs sa prospérité jusqu’à l’arrivée de la pétrochimie dans les années 1920. Depuis lors, certaines des grandes haciendas ont été converties en hôtels de luxe, mais la récolte d’henequen emploie toujours bon nombre d’hommes de la région pour un travail harassant. C’est le cas dans la fabrique Manuel Cecilio Villamon, de Citilcum, à une soixantaine de kilomètres de Mérida. Ici, on récolte, presse, essore les fibres qu’on fait ensuite sécher au soleil dans les champs. Le transport des fibres se fait encore dans une benne tirée par un maigre canasson. Cette industrie lucrative, qui fournit même certains marchés européens, fait vivre (ou survivre) plusieurs familles locales. Pour 8 h 30 de travail quotidien, chaque ouvrier reçoit 100 pesos, soit environ 8 $ (le salaire minimum est de 58 pesos pour 7 h de travail).

Ici et aujourd’hui
Après Izamal s’égrènent une succession de petits villages traditionnels, comme Tekanto; des maisons béantes s’échappent parfois quelques accents de musique latine qu’on attrape à la volée tout en pédalant. Près de Bokoba, l’activité s’intensifie avec le passage des camions de cochons ou de poulets; sur la place centrale, l’heureux cycliste trouve de quoi se composer un fabuleux pique-nique: avocats, fromages, mangues, bananes. L’arrivée à Mérida, la plus grande ville du monde maya, nous propulsera dans le Yucatán moderne. Mais avant cela, il nous faudra emprunter une voie rapide d’environ 20 km et redoubler de prudence sur l’accotement à cause des nombreux camions qui l’empruntent. À Mérida, notre groupe de cyclistes provoquera encore la surprise au cœur du centre-ville affairé. Dans un invraisemblable entrelacement de rues surpeuplées, chacun a quelque chose à vendre: montres, poulet frit, hamacs, cigarettes. La Panaderia y Pastelleria voisine avec la Copias-Internet dans un relent de victuailles gâtées. Les boutiques de vêtements americanos gueulent du disco à plein volume, alors que les échoppes d’artisanat jouent la carte de la salsa pour attirer le touriste. Sur la Plaza Grande, un étonnant jacassement d’oiseaux produit une cacophonie assourdissante, tandis que s’entrechoquent classes sociales et générations au cœur du quadrilatère: cireurs de chaussures ambulants et étudiants pianotant sur leur laptop. Les Espagnols conquérants ont édifié la cathédrale de Mérida avec des pierres mayas; quant à la mairie, elle regorge d’œuvres d’artistes locaux évoquant l’âge d’or de la civilisation avant son oppression. Fondée en 1542 par le conquistador Adelantado de Montejo, Mérida marque l’occupation définitive – et l’écrasante victoire – des Espagnols au Yucatán.

Aujourd’hui, le centre historique est en renaissance majeure; on ne rechigne pas à la dépense pour rénover l’ancienne demeure – superbe – de Francisco de Montejo (fils) datant de 1549, reconvertie en banque, l’église de Santa Ana ou l’impressionnant théâtre José Peon Contreras avec ses six balcons et ses gigantesques candélabres. Car on sait que le centre historique de Mérida est une force non négligeable qui s’accommode fort bien de ses ambitions de capitale financière. La toute première ville fondée par les Espagnols, deux ans après la conquête, en 1542, reflète un Yucatán métissé, moderne et travaillant, qui esquisse, au-delà de l’histoire et de ses tragédies, une identité persistante.

Repères

  • L’hiver est la meilleure saison pour rouler au Yucatán, l’essentiel étant  d’éviter les grosses chaleurs de l’été et les pluies de l’automne.
  • Aucun visa requis.
  • En tout temps, il faut être très prudent avec l’eau (toujours em­bouteillée !).
  • Les routes sont généralement en bon état.
  • Hôtels et restaurants ne manquent pas dans les villes un peu plus importantes.
  • Renseignements touristiques (offerts en français): visitmexico.com.

Publié dans le magazine Géo Plein Air, automne 2010