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Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
NÉPAL: Rapport d’évacuation (2e partie)
15 octobre
• 2 h du matin : ne dormant toujours pas et guettant désespérément le signe d’une accalmie de la tempête, surviennent coup sur coup les plus fortes rafales et un retentissant coup de tonnerre : une gigantesque avalanche! Cette fois, je ne suis plus certain que nous nous trouvons assez éloignés pour l’éviter. Quelques secondes plus tard, le souffle créé par cette avalanche, et des vents à plus de 200 km-h, nous atteignent. Résultat : la tente se trouve ensevelie d’une couche de neige, heureusement assez mince pour qu’on puisse la chasser de l’intérieur. Deux des nouvelles tentes auront des arceaux endommagés; je sais qu’elles ne résisteront pas à un autre évènement du genre. Je décide donc de refaire une tournée dans les tentes mais, cette fois, ce sera pour prévenir les voyageurs d’une possible évacuation imminente. Les consignes sont de s’habiller au complet, avec tout le linge disponible, lunettes de skis et bottes. Et rester à l’intérieur du sac de couchage pour ne pas perdre de chaleur. À mon commandement, chacun devra sortir le plus rapidement possible et se rendre vers la tente de notre équipe locale, et advienne que pourra : ce sera la dernière chance. Mais que ferons-nous? j’admets que je commence à ne plus avoir de plan B,C, D… Je me souviens à ce moment être sorti dehors (parce que personne ne pouvait m’entendre) d’avoir crié que je ne la trouvais plus drôle!!! À ce moment, en fervent athée que je suis, je dis aux gens que s’ils sont croyants, c’est le temps de demander des faveurs. Je sens un sentiment de panique (bien contrôlé) s’installer. Je perçois ce sentiment encore plus chez les porteurs, ce qui peut s’avérer dramatique. Heureusement, les tentes restantes résisteront et je n’aurai pas à faire appel à cette évacuation d’urgence.
• 5 h du matin : le vent diminue considérablement et la tempête de neige cesse. J’estime qu’il est tombé entre 4 et 5 pieds de neige en 30 h de tempête. Je respire enfin.
• 8 h du matin : il fait grand beau temps. L’évacuation pourra avoir lieu. J’appelle donc Babu (contact à Kathmandou) pour qu’il accélère les procédures; la compagnie d’assurance de Karavaniers (Globe trek) est prévenue. Il n’est évidemment pas question de se déplacer, même s’il fait très beau. Il faut être ferme car les voyageurs ou des porteurs pourraient insister pour bouger. C’aurait été une erreur de le faire car les pentes de neige sont très instables. Malgré l’inconfort de notre position, et surtout le froid et l’altitude, nous sommes dans le lieu le plus sécuritaire. Quoi qu’il en soit, la décision irrévocable est de ne pas bouger. Je dis même à un voyageur qu’il faudra 3 jours avant que la neige se soit un peu stabilisée! Mais ce que je sais, et qu’eux ne savent pas, c’est que nous manquerons de nourriture et de fuel (donc d’eau) avant.
• 9 h du matin : Babu me rappelle en me disant que tout est beau : les permis de survoler la zone interdite du Mustang sont délivrés et un hélico de l’armée qui peut embarquer environ 20 personnes devrait arriver en matinée. Nous aménageons une piste d’atterrissage sommaire.
• Vers midi : nous apprenons que cet hélicoptère ne peut se poser à notre altitude; ce sera donc 3 hélicos (qui peuvent transporter 5 passagers) qui viendront nous chercher. Ils sont déjà en route…la bonne humeur revient mais il fait froid. Deux ou 3 personnes commencent à avoir sérieusement froid et il faut réchauffer les pieds d’une personne qui ne les sent plus. Il était à prévoir que des engelures allaient survenir.
• Les heures passent et rien. J’appelle Babu régulièrement qui me dit que les hélicos arrivent, mais je sens dans sa voix que même lui ne sait pas trop ce qui arrive. J’apprendrai le lendemain que le District Officer, de l’aéroport de Jomosom (le plus près de notre position), n’avait pas reçu les papiers pour autoriser un survol du Mustang. Et malgré l’urgence de la situation, encore supportable à ce moment, l’officier ne donnera pas l’autorisation. Nous apprendrons dans les jours suivants que le ministre n’avait pas encore jugé la situation assez urgente. Or nous savons maintenant de que cette tempête a coûté la vie à près de 50 personnes dont 3 Québécoises et plusieurs Canadiens.
• 17 h : avec le soleil qui se couche, je dois me résoudre à remonter le campement, que nous avions démonté devant l’imminence de l’arrivée des hélicos, encore une fois. Le moral des troupes en prend un coup. De plus, nous ne mangerons qu’une soupe ce soir car nous laissons la nourriture aux porteurs. J’explique aux voyageurs que la situation qi nous échappe, administrative cette fois, mais que j’ai confiance en Babu (avec qui je travaille depuis 20 ans) et que demain matin sans faute, tout rentrera dans l’ordre. Nous en sommes donc à notre 3e nuit à 5800 m. Pour ma part, avec près de 48 h sans sommeil et peu de nourriture, je sais que je ne suis plus en situation de prendre des décisions et l’altitude renforce ce sentiment. Je dis donc à mon groupe que je dois dormir. Et sous la fatigue, je m’endors rapidement. Je me réveille quelquefois durant la nuit mais tout est calme.
16 octobre
• 5 h : je me réveille et j’appelle Babu qui me dit que les helico ont décollé de Katmandou et qu’ils sont à Jomosom, donc à 20 min de vol de notre position. Je réveille donc les gens en catastrophe en leur disant que les helicos seront là dans 10 minutes : il faut faire les bagages et démonter les tentes. Mais encore une fois, le temps passe et passe.
• 8 h : je réussis à parler au District Officer en lui disant que c’est maintenant une question de vie ou de mort : je ne connais toujours pas l’ampleur de la catastrophe ailleurs à ce moment mais je sais qu’il vaut mieux sauver des vivants (dans l’urgence) que de trouver des cadavres dans une avalanche. Entre temps, Babu réussi à parler directement à un ministre et le gouvernement proclame enfin un état d’urgence .
• 9 hres: un hélico se pose a notre campement et le pilote sort , furieux, en m’expliquant que depuis hier qu’ils sont position de nous sortir mais que les tracas administratifs les ont empêché de voler!!! En même temps, je dois coordonner l’évacuation et j’apprends (je m’en doutais) qu’ a cette haute altitude, l’hélico ne peut prendre que 2 passagers sans les bagages. Le copilote sort de l’hélico avec sa bouteille d’oxygène (à 5800m, sans l’acclimatation, il mourrait rapidement). Il faudra donc plusieurs voyages et ce sera long. L’évacuation se fait par pallier. D’abord nous emmener en sécurité un peu plus bas…tous seront transportés à 5000m (Damodar Kundo) où un employé nous attend avec de la nourriture. Il y a aussi de l’eau disponible d’un ruisseau. Dans le pire des cas (problème mécanique avec l’hélico ou détérioration de la température, nous pourrons attendre ici en sécurité une ou deux journées. Ensuite un transport à Tsarang à 4200m pour éviter toutes les zones d’avalanche et nous sortir de la neige…Encore une fois c’est une zone où nous pourrions attendre. Retransport à l’aéroport de Jomosom pour un compte rendu aux autorités. Enfin, transfert à Pokhara en fin d’après midi. Il faut ajouter qu’à ces altitudes, l’hélico consomme beaucoup de fuel et porte peu de poids…Il y aura donc, en plus du transport des personnes et des bagages, des allers-retour pour aller chercher du fuel. Nous avons eu droit à un service très professionnel et efficace.
• Vers 18 hres, nous sommes tous en sécurité à Pokhara.
Épilogue
Quelques jours plus tard, nous avons repris la route des sentiers de montagne pour aller visiter le pays sherpa…un trek plus calme qui a permis à tous de se réconcilier avec la montagne. Reinhold Messner, le plus grand alpiniste du 20eme siècle disait : la montagne n’est ni juste ou injuste, elle est dangereuse! Pour les alpinistes oui, mais pour les marcheurs, ce jour là, elle a été injuste, surtout pour les 3 québécoises décédées ainsi que pour la compagnie, Terra Ultima.
Conclusion
Je retiens ici les points principaux
• Tempête d’une rare violence…2014 sera, depuis l’ouverture du Népal dans les années 50, l’année la plus meurtrière et de loin. Et ç’aurait pu être pire.
• La compagnie privée d’hélicoptère, faisant confiance en Babu (et c’est inestimable) a envoyé 2 hélicos et 6 personnes durant près de 10 heures sans aucune garantie de paiement par les assurances. La facture s’élève à plus de 50 000$. La réputation de Babu et celle de Karavaniers, en plus des décisions prises sur le terrain, nous ont sauvé la vie. Une jeune entreprise ou des voyageurs indépendants n’auraient pas eu les hélicos.
• Si les hélicos n’étaient pas venus après la 3eme nuit, nous aurions manqué de fuel et de nourriture. S’en serait suivi des engelures et, rapidement, des morts.
• Les compagnies d’assurances, pour l’instant, nous ont répondu qu’ils ne payaient qu’en cas de blessure mais pas pour mauvais temps (ce n’était pas une pluie sur le bord de la plage!!!). J’en conclu que j’aurais dû casser le bras de chaque voyageur juste avant de prendre l’hélico pour éviter les problèmes…J’en conclu aussi que si je n’avais pas eu les helico, les assurances auraient payé pour rapatrier des cadavres, envoyer un employé un Népal, traiter des engelures, payer des hotels…et bien sûr payer des hélicos…au lieu de 50 000$ cela aurait dépassé le million probablement. Mais j’ai confiance que quelqu’un se rendra compte du ridicule de la situation…