Route de la soie // Dure journée pour s’extirper de l’Enfer


Si rejoindre la dépression de Turfan fut assez facile, en sortir a été une autre affaire. Je suis parti dès l'aube pour éviter les pires températures, mais à 6 h du matin il faisait déjà 36 degrés. La couverture nuageuse pendant la nuit a empêché la chaleur du jour précédent de s'évaporer.

Après une soixantaine de km vient le temps de sortir de la dépression en remontant un canyon d’environ 2 000 m d'altitude. La chaleur est déjà intense. Au début j’essaie de profiter d’un peu d’ombre en roulant tantôt à droite, tantôt à gauche. Mais le canyon s'élargit et, dès 10 h, plus d’ombre à l’horizon.

La progression est ardue, le soleil à pleine puissance, le vent totalement discret : tout mon corps transpire abondamment. Je m'arrête souvent pour attraper quelques bouffées d'air. Le thermomètre indique 46 degrés et l'eau de ma gourde a déjà la température du thé. Aucun repos n'est possible. En fait, le seul espoir de repos est de continuer à monter pour avoir, au-dessus de 1800 m, un peu d'air moins brûlant. Pour une fois, je préfèrerais avoir un vent de face pour m'aérer.

Je ne suis pas le seul à souffrir. Je passe de temps en temps des voitures arrêtées sur le bord de la route. Les passagers, sur une couverture étalée à l'ombre du véhicule, attendent, par prudence ou par nécessité, que le moteur refroidisse un peu avant de repartir. Il y a aussi de nombreux camions sur le bas côté. Certains ont à leur pied de grosses pièces mécaniques qui laissent supposer un malaise plus profond. Le chauffeur à l'ombre du chargement semble installé pour une longue attente de plusieurs jours. Tout cela donne un air apocalyptique à ce canyon infernal.

Finalement, petit à petit, l'horizon se dégage. Le canyon fait place à une sorte de plateau tourmenté et surtout un air teinté de frais apporte un répit. Je suis sorti de la dépression de Turfan, en bon état finalement. Ne reste plus qu’à continuer de pédaler 1300 km jusqu’à Kashgar entre 900 et 1500 m pour finir de traverser le Tarim.

Mais le bilan de la journée laisse paraître que ce n’est pas un jour habituel: 3 membres du groupe n'ont pas pu finir la montée et deux autres ont eu un gros coup de chaleur avec fièvre, frissons et plusieurs jours avant de récupérer leur énergie. Le premier est pourtant un ironman accompli. Le second a finalement dû attendre 5 jours avant de remonter sur son vélo. Comme au temps de Marco Polo, la route de la soie réserve encore quelques passages difficiles.