À l’ombre de Sainte-Anne
Dans la région de la Côte-de-Beaupré, la station de ski Mont-Sainte-Anne monopolise depuis des décennies l’attention médiatique – pour le meilleur et pour le pire –, laissant dans l’ombre les autres attraits hivernaux du coin. Il est temps de remédier à la chose. Retirez vos grosses bottes de ski alpin et suivez le guide.
Quelques semaines avant mon séjour sur La Côte-de-Beaupré en mars 2021, j’apprends dans les nouvelles que la télécabine de la station Mont-Sainte-Anne n’est toujours pas en service près d’un an après plusieurs incidents ayant forcé son arrêt. Aucune date n’est annoncée concernant sa réouverture.
Les abonnés de la station de ski rouspètent. L’attente au télésiège, en cet hiver pandémique, est interminable. Ce problème mécanique se transforme en crise régionale. Un groupe de pression nouvellement formé, les Amis du Mont-Sainte-Anne, accuse le propriétaire de la station, Resorts of the Canadian Rockies (RCR), une compagnie établie dans l’Ouest canadien, de négliger la Belle de Beaupré.
Le message porte. Interpellé par le groupe de pression, le gouvernement du Québec entreprend en avril dernier des actions juridiques contre RCR afin de reprendre possession des terrains situés sur le pourtour de la montagne, où circulent les réseaux de ski de fond et de vélo de montagne – un conflit qui pourrait bien s’éterniser.
Moi qui avais loué un chalet à Saint-Ferréol-les-Neiges, municipalité voisine de Beaupré, afin de profiter du ski alpin à Mont-Sainte-Anne, je dois réviser mes plans : pas question que je perde mes précieuses heures de vacances dans la file d’attente d’un télésiège.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me rends compte que c’est l’occasion toute trouvée de découvrir les autres attraits hiémaux de La Côte-de-Beaupré. Au diable la télécabine en arrêt de travail – qui, comble d’ironie, reprendra du service quelques jours seulement après la fin de mes vacances –, je vais commencer mon séjour en conquérant le mont Sainte-Anne par mes propres moyens !
Si le ski alpin règne toujours en roi et maître sur cette éminence qui se dresse sur un rebord du plateau laurentien, la raquette n’est pas en reste : une vingtaine de kilomètres de pistes sillonnent les versants de ce relief qui culmine à 830 m d’altitude. Je décide de m’attaquer au sentier le plus raide, L’escarpée, qui porte fort bien son nom. C’est un mur de 3 km de long lorsqu’on part de la gare de départ de la télécabine immobilisée. Pendant mon échauffement, je passe devant l’interminable file d’attente du télésiège L’express du sud. Les skieurs doivent faire preuve de patience.
Une heure plus tard – et 600 m de dénivelé sous les crampons –, j’arrive au sommet, probablement avant les skieurs que j’ai croisés dans la file d’attente, alors que les teintes crépusculaires colorent l’horizon. Les skieurs alpins connaissent bien cette impressionnante perspective : le fleuve et ses glaces portées par le courant, l’île d’Orléans, l’estuaire du Saint-Laurent au loin, tout comme le cap Diamant. L’un des plus beaux points de vue de la Belle Province. Je retourne vers le niveau de la mer à la lueur de ma lampe frontale et en glissant sur les fesses pour les parties les plus abruptes de la piste, testant ma version personnelle du ski de soirée. Ça amorce agréablement les vacances !
Ski de fond digne des champions
À 7 km de la station de ski se trouve une autre merveille de La Côte-de-Beaupré, le centre de ski de fond du Mont-Sainte-Anne, qui se targue de posséder l’un des réseaux les plus imposants en Amérique du Nord, avec quelque 200 km de pistes tracées presque entièrement pour le pas classique et le pas de patin. Cette immensité a son prix : le billet de ski quotidien coûtait 36 $ en 2021. C’est pratiquement deux fois plus cher qu’un accès aux pistes des centres de ski de la Sépaq, qui n’est pourtant pas donné.
Mais ne ronchonnons pas trop vite. Après tout, c’est dans ces champs de neige qu’a pignon sur piste le Centre national d’entraînement Pierre-Harvey, où l’on forme nos champions fondeurs tels que Alex Harvey. Ô chance, on y skie en compagnie d’athlètes qui filent comme des fusées ! Des pistes de qualité coupe du monde, ça se paye. De quoi inspirer mes filles.
Où skier ? Je choisis de m’engager dare-dare dans les pistes noires. Je ne m’attendais à des pistes aussi pentues. Très pentues. Raides. À pic. Elles équivalent parfaitement au ski alpin en matière de sensations, et il ne faut jamais les prendre à la légère.
Le lendemain, j’expérimente le vélo d’hiver. Mont-Sainte-Anne propose 9,2 km de pistes réservées au vélo sur neige, kilométrage qui se répartit en six courts sentiers. Sur un fatbike de location, je suis surpris par le fun que j’ai en pédalant sur un tapis blanc, moi qui ai l’habitude de dénigrer allègrement le vélo sur neige sous prétexte que la bicyclette devrait rester un sport estival. Mea culpa.
Je tombe sous le charme de la piste L’Auréole – 2,9 km tout en déclinaisons et descentes –, que je parcours à deux reprises sans m’arrêter malgré la fatigue et des extrémités gelées. N’empêche, je ne changerai pas d’idée : j’aime mieux le ski de fond. Je suis totalement de mauvaise foi… et je l’assume.
Raquette sur le Mestachibo
Autre vedette naturelle du coin : la rivière Sainte-Anne, qu’on admire de près en empruntant le sentier Mestachibo Ouest. Ce parcours balisé, qui fait partie du Sentier national au Québec et du Sentier transcanadien, relie sur 13,8 km le mont Sainte-Anne à l’église de Saint-Ferréol-les-Neiges, menant à des paysages autrement inaccessibles.
Plutôt que de parcourir le sentier sur toute sa longueur, j’use mes raquettes sur la boucle Jean-Larose, qui fait environ 5 km. Celle-ci vaut largement le déplacement. Elle débute à l’entrée ouest du sentier et conduit aux spectaculaires chutes Jean-Larose, hautes de 76 m, dont les eaux se momifient en saison hivernale, dessinant un décor sublime.
On accède aux chutes par un monumental escalier qui a été reconstruit récemment, procurant divers points de vue sur les cascades. Le sentier poursuit sa course en longeant la rivière Jean-Larose jusqu’à son embouchure dans la rivière Sainte-Anne. De là, il est possible de gagner le centre de Saint-Ferréol-les-Neiges, une douzaine de kilomètres plus loin, sur un parcours extrêmement accidenté et souvent glacé. Les raquettes cramponnées ou crampons à chaussures sont de mise.
Jusqu’à la fin de 2020, le sentier Mestachibo Ouest se connectait au sentier Mestachibo Est, qui se faufile jusqu’à la localité de Saint-Tite-des-Caps par une très longue passerelle suspendue, mais la crue exceptionnelle des eaux en décembre de cette année-là a emporté cet ouvrage, coupant le lien entre les deux Mestachibo. Le gestionnaire de ce sentier, la Corporation du sentier Mestachibo, étudie la possibilité de récupérer la passerelle et la réinstaller. À suivre.
Aux oiseaux à Cap-Tourmente
Ornithologue à mes heures, je rêvais depuis longtemps de visiter sous les flocons la réserve nationale de faune du Cap-Tourmente, qui ne se situe qu’à quelques kilomètres de Saint-Ferréol-les-Neiges, dans la bucolique municipalité de Saint-Joachim. En cette période de l’année, les oies des neiges sont absentes alors que les rapaces sont nombreux – de quoi rendre fous de joie les photographes animaliers. La présence d’un hibou des marais l’hiver dernier a même provoqué une congestion ornithologique.
La réserve n’offre pas de sentiers de ski de fond ni de raquette, uniquement de la marche hivernale sur des sentiers damés. Le décor champêtre comporte des percées visuelles sur les champs ainsi que sur le magnifique cap Tourmente s’élevant à 579 m. On y observe évidemment beaucoup d’oiseaux, dont les plectrophanes des neiges, un visiteur du nord qui se pavane dans le Québec méridional quand le mercure dégringole. On peut déplorer l’absence de sentiers au bord du fleuve et dans les montagnes. Cela bonifierait l’expérience.
Je trouve finalement un accès au Saint-Laurent derrière La Grande Ferme, un site historique sis à un coup d’aile de la réserve, en empruntant un court sentier. C’est l’heure du couchant. Je contemple longuement les glaces à la dérive sur le chemin des grandes eaux. C’est tout simplement magique.
Encadré #1
Autres attraits nature et plein air à découvrir sur La Côte-de-Beaupré
-Sentier des caps de Charlevoix
-Parc de la Chute-Montmorency
-Descente de canyon de glace aux chutes Jean-Larose avec Canyoning-Québec
-Centre de ski de fond Robert-Giguère (10 km de pistes à Beaupré)
En bref
La découverte de La Côte-de-Beaupré au-delà du ski alpin.
ATTRAIT MAJEUR
Une panoplie de sports d’hiver à pratiquer sans parcourir beaucoup de kilométrage motorisé.
COUP DE CŒUR
Le coucher de soleil sur le Saint-Laurent à la hauteur du site historique de La Grande Ferme.